Cyclisme : Nicolas Portal, l’ascension fulgurante et inattendue

Nicolas Portal est mort à l'âge de 40 ans le 3 mars

Le directeur sportif français de l’équipe cycliste Ineos, Nicolas Portal, est mort le 3 mars à l’âge de 40 ans. Il a su devenir en très peu de temps le meilleur technicien du peloton sans pour autant avoir été un coureur étincelant.

« C’est marrant, tu parles trois mots d’anglais et pourtant tout le monde te comprend », arguait David Brailsford, alors manager de l’équipe Sky, au moment de convaincre Nicolas Portal de devenir directeur sportif de son écurie en 2010. L’écurie britannique ne s’y est pas trompé en faisant appel à ses services. Nicolas Portal venait de mettre un terme à sa carrière cycliste avec Sky. Au total, il remportera six Tours de France en tant que directeur sportif avant de s’éteindre le 3 mars, à 40 ans.

Un coureur altruiste

Nicolas Portal était avant tout un bosseur de l’ombre. Il fait ses gammes sur route dans l’écurie d’AG2R après avoir roulé sur un VTT dans sa jeunesse. Au sein de l’écurie française, il apporte d’abord beaucoup sur le plan social. Il sait se placer en retrait, comme en témoigne son palmarès. Son seul titre individuel en professionnel, il l’emporte lors d’une étape sur le Critérium du Dauphiné en 2004.

Son sens du sacrifice pour ses coéquipiers, il le démontre en 2006, lorsque son équipe de la Caisse d’épargne remporte le Tour par l’intermédiaire d’Oscar Pereiro. Cet esprit collectif, c’était la clé de voute de son management au sein de l’équipe Sky devenue Ineos en mai 2019.  « 90 % de mon boulot, c’est créer un groupe, une osmose entre le staff et les coureurs », expliquait-il au journal L’Équipe l’année dernière.

Murmurer à l’oreille des meilleurs

« Il faut être meneur d’hommes, gérer les égos, faire de la stratégie, de la diplomatie, de la communication de crise, se dédier totalement aux autres, à toute heure du jour ou de la nuit », analyse Denis Briscadieu, président de Dossard 51 qui a connu Nicolas Portal dans le Gers. Toutes ces qualités lui permettent de devenir le directeur général en chef de l’équipe Sky en 2013.

Mais c’est surtout à la faveur d’un lien fort avec le champion Christopher Froome que Nicolas Portal gagne ses galons. En 2012, le coureur kényan démontre à quel point il est plus fort que le leader désigné, Bradley Wiggins. Brailsford voit en Christopher Froome une machine à gagner et le choisit pour mener l’équipe sur les prochains grands Tours. Le cycliste émet le souhait de voir Nicolas Portal manager l’équipe. Un choix qui propulse le français dans le rôle de leader tactique de Sky.

En 2013, Christopher Froome porte le maillot jaune mais se trouve dans une posture délicate car esseulé dans le peloton, à Bagnères-de-Bigorre. Nicolas Portal conseille le kényan, lui parle dans l’oreillette pour guider ses prises de décisions. Il terminera vainqueur du Tour et le remportera en 2015, 2016 et 2017.

Un bourreau de travail

Aucun détail n’échappait au directeur sportif. Sa nouvelle responsabilité a poussé son professionnalisme à l’excès. Dans un entretien à Libération, il expliquait que son acharnement au travail lui venait de sa mère : « Certains jours, elle enchaînait quasiment vingt-quatre heures avec juste deux siestes. »

Ses journées lors d’un grand tour commence tôt et se termine tard. Il consulte les données météo, change ses stratégies tout au long de la journée, apprend les tracés par cœur. Il lance sa journée par une douche à 7 heures du matin et analyse les données jusqu’à 1 heures le lendemain.

L’exemple le plus symbolique pour la carrière de cet ascète, a été sa capacité à apprendre l’anglais qu’il ne maîtrisait que peu, en un temps record : « En anglais, j’avais eu 4/20 à l’oral au bac », rappelait-il encore à L’Équipe l’année dernière.

Fabian Lavalade