Avec la hausse du nombre de « Sentinelles », la police veut empêcher les suicides dans ses rangs

Avec douze suicides au mois de janvier, ce fléau, bien présent dans la police, revient sur le devant de la scène. Dans un contexte de libération de la parole dans les commissariats, les autorités misent sur l’accélération du déploiement des « Sentinelles » pour assurer une prise en charge en amont des policiers en situation de mal-être.

Au terme d’un mois de janvier noir marqué par douze suicides dans ses rangs, la police cherche à anticiper les passages à l’acte en développant son réseau de « Sentinelles », des policiers formés pour repérer leurs collègues fragilisés. En moyenne, de 30 à 60 fonctionnaires de police mettent fin à leurs jours chaque année.

Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale (DGPN) a réuni, le 20 janvier, syndicats mutuelles et associations spécialisées. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin doit les recevoir à son tour ce vendredi en fin de journée.

45 suicides par an en moyenne

Une décision a déjà été prise : accélérer le déploiement des « Sentinelles », des policiers formés à la détection des signaux faibles des difficultés de leurs collègues. Une première phase expérimentale a permis d’en former 41 en 2021. L’objectif est de disposer d’un vivier de près de 2.000 de ces policiers fin 2022.

« Cela fait vingt-cinq ans qu’on a 45 suicides par an en moyenne, il est temps d’essayer de nouveaux chemins », exhorte le porte-parole de « Peps SOS Policiers en détresse », Christophe Girard. L’association, composée de 26 policiers, a reçu plus de 6.000 appels d’agents l’année dernière.

« Exprimer son mal-être quand on est policier, c’est très compliqué. On est là pour assurer la sécurité de la population et on n’a pas le droit d’être faible, de montrer de la faiblesse. Il faut qu’on soit fort, sinon comment les gens vont avoir confiance en nous? », confie Martine*, une policière traumatisée par son intervention lors des attentats du 13 novembre.

Un jour, elle « craque » et tente de mettre fin à ses jours « à plusieurs reprises« . Elle va remonter progressivement la pente grâce à l’association « Peps SOS Policiers en détresse » qui accompagne et oriente les fonctionnaires en situation de fragilité.

Prise de conscience de la direction

« Les collègues libèrent un peu plus la parole parce qu’ils savent qu’ils vont être écoutés par des policiers, ils n’ont pas besoin d’expliquer le contexte, ça fait gagner un temps fou« , dit-elle. Hospitalisation, suivis psychiatriques, traitements médicamenteux: « la reconstruction a pris à peu près un an, c’est long mais on y arrive », insiste la fonctionnaire.

Désormais aidante au sein de Pep’s, elle a « basculé de l’autre côté« . Son parcours l’aide à « repérer les collègues qui commencent à être en souffrance et qui ont un mal-être« . Aujourd’hui, elle a le sentiment d’une « prise de conscience de la direction (de la police) qui ne se voile pas la face, entame des discussions, écoute les gens et donne un vrai élan pour faire avancer les choses« 

Gérald Darmanin a aussi annoncé l’arrivée de vingt psychologues supplémentaires au sein du service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), portant leurs effectifs à 120 pour les 145.000 policiers de France.

* Le prénom a été modifié.