Le 33ème dîner du Crif, mercredi soir, sera le premier d’Emmanuel Macron en tant que chef d’Etat. Lors de ce rendez-vous, le locataire de l’Elysée sera interpellé sur les formes persistantes de l’antisémitisme.
Francis Kalifat n’a pas fait l’économie du symbole. Le président du Crif, l’organe de la représentation politique de la communauté juive, s’est offert le luxe d’organiser son dîner annuel au Carrousel du Louvre, comme un « clin d’oeil » en direction d’Emmanuel Macron qui, fraîchement élu, avait tenu son tout premier discours dos à la pyramide du Louvre.
Plus de 800 invités sont attendus lors de ce dîner, qui s’est installé comme un rendez-vous sans équivalent dans l’agenda public par son pouvoir d’attraction de responsables politiques (ministres en nombre, parlementaires…), ambassadeurs, dignitaires religieux, chefs d’entreprises, leaders syndicaux ou personnalités des médias.
« C’est un dîner républicain qui est l’occasion d’un échange franc et direct avec les autorités de notre pays », a indiqué Francis Kalifat, fier d’y réunir « l’échiquier politique dans sa totalité, à l’exception des extrêmes ». Une nouvelle fois, aucun représentant du Front national ni de la France insoumise ne s’assoira à la table du Crif, en retour taxé de « communautarisme » à l’extrême droite comme à la gauche de la gauche.
Même si le nombre de faits antisémites a de nouveau reculé en 2017, le niveau toujours préoccupant de la haine antijuive devrait être au cœur de la soirée. Car cette baisse globale masque mal l’augmentation du nombre d’actions violentes. Et la première minorité juive d’Europe (un demi-million de personnes) est particulièrement frappée: elle est la cible d’un tiers des actes haineux recensés en France, alors qu’elle représente moins de 1% de la population.
Le poids de la cyberhaine
Le Crif s’inquiète de la diffusion d’un antisémitisme islamiste » dans les quartiers populaires. Francis Kalifat entend attirer l’attention du chef de l’Etat sur cet « antisémitisme du quotidien qui, « à force de petits actes qui se multiplient, rend la vie impossible à ceux qui vivent dans des quartiers difficiles et les oblige à un exil intérieur ». Ce phénomène de mobilité est bien connu en Île-de-France, où des familles juives ont quitté l’Est parisien pour s’installer dans des quartiers réputés plus sûrs.
Or, déplore le président du Crif, « les juges n’arrivent pas encore à reconnaître cette délinquance antisémite . Dernier exemple en date selon le dirigeant communautaire: l’agression d’un jeune juif à la sortie de la synagogue de Montmagny (Val-d’Oise) par quatre autres jeunes, pour laquelle le juge des enfants n’a pas retenu la circonstance aggravante de l’antisémitisme.
Les autorités juives s’inquiètent aussi du poids de la cyberhaine. « Une grande partie de l’antisémitisme véhiculée à travers internet n’est pas prise en compte dans les chiffres », regrette Francis Kalifat. D’où son idée d’installer un observatoire de la cyberhaine qui va s’intéresser à l’antisémitisme sur la Toile avant d’étendre son objet au racisme, aux actes antimusulmans et « à tous ceux qui haïssent la France ». Le gouvernement travaille pour sa part à un second plan triennal de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018-2020), qui fera une large part à la haine sur les réseaux sociaux.
Pour le responsable communautaire, il ne suffit pas de lutter contre l’antisémitisme dans les quartiers populaires, « celui que l’on voit plus facilement parce qu’il est plus actif ». Il convient d’« être vigilant par rapport à cet antisémitisme des années 30 qui reste tapi dans l’ombre, prêt à resurgir à la première occasion
Avec AFP