Féminicides : une entrée dans le code pénal jugée “contre-productive”

La députée LREM du Val d’Oise Fiona Lazaar a présenté, mardi 18 février, un rapport d’information sur la reconnaissance du terme féminicide devant la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale.

Cent cinquante féminicides, cent cinquante femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints selon le décompte du collectif Féminicides par compagnons ou ex, pour l’année 2019. Après cette année de prise de conscience généralisée, une question se pose : Ce terme qui s’est imposé dans les débats et les médias, doit-il être revêtu d’une qualité pénale ?

Fiona Lazaar, députée de la majorité, première vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a lancé une mission d’information sur la reconnaissance du terme féminicide en janvier 2020. Elle a remis les conclusions de son rapport, mardi 18 février, à la délégation de l’Assemblée nationale.

Réclamée par des associations féministes, l’hypothèse de l’inscription dans le code pénal des féminicides a été étudiée. Son verdict est sans appel : “Une telle modification du code pénal pourrait s’avérer contre-productive”, a communiqué l’élue au journal Libération. Cependant, Fiona Lazaar appelle à un usage courant du terme féminicide dans le vocabulaire administratif et institutionnel.

Point de discorde sur la définition

Féminicide, terme apparu en France au XIXe siècle sous la forme d’un adjectif, n’a été véritablement reconnu dans la langue de Molière en 2015 avec son entrée dans le dictionnaire Le Petit Robert. La définition ? “Meurtre d’une ou plusieurs femmes ou filles en raison de leur condition féminine.” Cette signification ne fait pas l’unanimité pour toutes les associations et les institutions. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a défini en 2010 en reconnaissant quatre types de féminicides :

  • Féminicide intime : “commis par un époux ou par un petit ami actuel ou ancien”. Selon l’étude de l’OMS, plus de 35 % de tous les assassinats de femmes dans le monde serait commis par un partenaire dit intime, contre 5 % pour les meurtres d’hommes.
  • Féminicide commis au nom de l’honneur : “implique une fille ou une femme qui est assassinée par un membre masculin ou féminin de sa famille parce qu’elle a ou est censée avoir commis une transgression sexuelle ou comportementale, notamment un adultère, des relations sexuelles ou une grossesse hors mariage – ou même qu’elle a été violée”
  • Féminicide lié à la dot (majoritairement dans les régions du sous-continent indien) : “implique des jeunes mariées qui sont assassinées par des membres de leur belle-famille pour des conflits liés à la dot, par exemple pour avoir apporté une dot insuffisante à la famille du marié”
  • Féminicide non intime : commis par des personnes non intimes avec la victime. Les exemples donnés par l’Organisation mondiale de la santé insistent sur les féminicides sexuels et les meurtres systématiques des femmes en Amérique latine.

Diverses définitions existent à l’international et en France pour ce même terme, ce qui crée un flou sur sa qualification en fonction de l’institution en charge. Meurtre d’une femme, meurtre d’une femme en raison de son genre, meurtre d’une femme dans le cadre conjugal : rien que le définir suscite des débats. L’aspect universaliste du terme en lien avec la violence masculine à l’égard des femmes serait juridiquement incompatible.

À l’inverse, une définition restreinte engendrerait des risques de ne pas couvrir l’ensemble des violences faites aux femmes et de “ne pas permettre de tenir compte de la diversité des identités individuelles et des situations de fait”, souligne la parlementaire au quotidien Le Monde.

Non au code pénal, oui à la vulgarisation institutionnelle

Le caractère politique d’une entrée dans le code pénal du terme féminicide avait été contesté en octobre 2019, lors du Grenelle des violences conjugales par des avocats pénalistes sur le quotidien du droit en ligne Dalloz Actualité. Les avocats concluaient leur article fustigeant la pénalisation des féminicides, sur le risque de réduire la femme “à une posture plus ou moins intégrée de victime et de proie pour des hommes-prédateurs”.

Un désavantage sur la pertinence d’un statut juridique du féminicide : la fragilité de la défense de la victime. Une qualification pénale entraînerait la nécessité de prouver le caractère sexiste du crime et pourrait amener à une disqualification ou requalification des faits.

Fiona Lazaar souligne néanmoins l’importance du terme avec une “prise de conscience générale dans la société”, dans Le Monde. Et ajoute que “le travail n’est pas fini. Il faut continuer à porter ce message haut et fort”. La députée a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de résolution destinée à institutionnaliser le terme et à “rappeler le caractère prioritaire de la lutte contre les violences faites aux femmes et à reconnaître le caractère spécifique des féminicides”. Même si celle-ci n’a qu’une portée symbolique.

Lucie Diat