Des dizaines de morts ont été comptés parmi les musulmans indiens, après les affrontements de février à New Dehli. Ce climat de violence est attisé par la politique du Premier ministre Narendra Modi, mais aussi par une tradition anti-musulmane ancrée depuis l’indépendance du pays.
Près de 50 morts, des centaines de blessés, des mosquées brûlées… Du 23 au 26 février, de violents affrontements menés par des ultranationalistes hindous à l’encontre de musulmans ont enflammé la capitale de l’Inde. Ces violences sont survenues alors que des manifestations embrasaient le pays, contre la nouvelle loi sur la citoyenneté de décembre 2019, qui limite ou exclu les musulmans dans leur accès à la citoyenneté indienne. Cette apogée des tensions s’explique par la politique anti-musulmane du Premier ministre Narendra Modi, et par les racines anciennes de l’ultra-nationalisme hindou.
La politique de Modi attise le feu
Narendra Modi, membre du Parti nationaliste hindou (BJP), mène une politique « très largement responsable des évènements actuels », analyse sur sa chaîne Youtube Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégique (IRIS). Déjà, lors de son mandat à la tête de l’état du Gujarat, des émeutes contre les musulmans avaient éclaté en 2002 sans que Modi n’intervienne. 2 000 morts avaient été compté.
Discret sur son ultra-nationalisme lors de son premier mandat, désormais Narendra Modi « ne cache plus son agenda qui est […] antimusulman » constate Pascal Boniface. En août 2019, il révoque l’autonomie constitutionnelle du Cachemire, un État à majorité musulmane. Cette région séparatiste était revendiquée par le Pakistan, et est depuis complètement isolée. À cela s’ajoute l’autorisation, en novembre 2019 à Ayodhya, de la construction d’un temple hindou sur les ruines d’une mosquée, détruite en 1992 par des nationalistes hindous.
Une discrimination ancienne
Si ces affrontements s’expliquent dans le temps « court » de la politique de Modi, ils prennent racines dès l’indépendance de l’Inde. En 1947, le territoire de l’empire britannique des Indes en 1947 est divisé en deux pays. dont le Pakistan , à majorité musulmane. « Le leader pakistanais Muhammad Ali Jinnah pensait que les musulmans ne seraient pas en sécurité dans un ensemble dirigé par les hindous » explique Pascal Boniface de l’IRIS.
Même si l’Inde se veut alors un « État multi-ethnique », incarné par le parti du Congrès (le parti de Gandhi), une partie de la population reste nationaliste et souhaite une gouvernance exclusivement hindoue.
Cette opposition se traduit toujours aujourd’hui entre les deux partis majoritaires. Le Parti du congrès garde « une vision très ouverte de ce que doit être l’Inde : un État multiconfessionnel, multiethnique » explique Pascal Boniface. En face, le courant nationaliste incarné par le Parti nationaliste hindou (le BJP, créé en 1980), estime « que l’Inde doit être dirigée par les hindous ».
Des inquiétudes pour la suite
Les attaques menées au mois de février par les groupes radicaux hindouistes inquiètent, d’une part parce qu’il s’agit de raids organisés, visant spécifiquement les quartiers du Nord Est de Delhi, à forte population musulmane. D’autre part parce que la police n’est pas intervenue. « Les ultra-nationalistes hindous savent qu’ils sont soutenus par leur Premier ministre, il y a un sentiment d’impunité » analyse Pascal Boniface. « Cette montée des extrémismes est dangereuse […] car on ne voit pas ce qui pourrait arrêter ce mouvement », d’autant plus que la communauté internationale reste muette.
Solène Gardré