Utilisé samedi 29 février pour la réforme des retraites, le 49.3 est considéré comme une négation du débat parlementaire, et donc, de la démocratie. Certains vont même à parler de pratiques autoritaires.
«Aujourd’hui s’est installé dans notre société, et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables, l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie. Qu’il y a une forme de dictature qui s’est installée.» Ce sont en ces termes qu’Emmanuel Macron donnait une interview le 24 janvier en rentrant d’un déplacement en Israël. Il réagissait aux critiques de ses opposants qui le considèrent comme un Président autoritaire, notamment dans la conduite de la réforme des retraites. Le 29 février, Edouard Philippe a annoncé l’utilisation du 49.3 pour que la réforme des retraites passe sans débat ni vote à l’Assemblée nationale, et les opposants y voient une preuve supplémentaire d’une pratique autoritaire du pouvoir par l’exécutif.
«Une démocratie, c’est un système politique où l’on choisit nos dirigeants.»
Derrière cette phrase, Emmanuel Macron prône une vision hiérarchique de la démocratie, où les citoyens n’auraient comme action démocratique que le vote. Or, Samuel Hayat, docteur en science politique de l’université Paris-8 Saint-Denis, remet en cause dans son livre Démocratie cette conception de notre régime. Dans une interview donnée à Libération, le docteur commente la phrase d’Emmannuel Marcon « Essayez la dictature, vous verrez » : « Cette alternative est symptomatique de l’usage du mot démocratie par les gouvernants : soit la démocratie, soit la dictature, et puisque nous ne sommes pas l’une, alors nous sommes l’autre. Tout discours mettant en garde sur les tentations autoritaires de nos régimes est présenté comme subversif. Cela suggère qu’il n’y a de vraie démocratie que lorsque les élus règnent sans partage, ce qu’on appelle une « oligarchie » ».
Le chercheur voit ainsi dans l’utilisation du 49.3 un symptome de cette logique du gouvernement : « On a un gouvernement qui est prêt à passer au-dessus de la représentation nationale quand ça l’arrange.»
Les institutions de la Vème République en cause
Ces critiques spécifiques faites au gouvernement ont pour Bastien François, professeur de science politique à la Sorbonne, un fondement dans les institutions de la Vème république. Pour lui, ce sont ces « institutions qui favorisent les comportements autoritaires », et le 49.3 « est l’expression chimiquement pure du macronisme alliée à la Ve République.» La constitution française n’offrirait donc pas assez de contre-pouvoir face à l’exécutif et donnerait la tentation aux présidents successifs d’adopter une stature jupitérienne. Finalement, Bastien François semble plus sévère envers les institutions qu’Emmanuel Macron lui-même : « Il est coincé. Il ne peut pas sortir de ce rapport au pouvoir qu’implique la Ve république.» dit-il concernant l’intervention du Président de la république devant les membres de la convention citoyenne pour le climat.
Quelle que soit l’opinion sur le 49.3, tout le monde s’accorde à dire que c’est une manœuvre politique violente, même des députés LREM : «Il y a une perte de confiance et ce 49.3 ne va pas améliorer les choses» a estimé de son côté Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire, apparenté LREM.
Parler d’Etat autoritaire est donc exagéré, mais il est certain que le 49.3 ne fait pas l’unanimité sur son caractère démocratique.
Victor Dubois-Carriat