Les règles, une histoire qui fait rougir

La marque Nana a crée un spot publicitaire intitulé "Vive la vulve" qui met en avant les règles et le sexe féminin. (Photo capture youtube)

Mardi, deux députées ont remis un rapport préliminaire d’information sur les règles. C’est la première fois qu’un tel sujet est abordé à l’Assemblée Nationale.  

Entre dégoût et tabou, voilà comment sont perçues les règles dans la société française. Mardi, deux députées, Laëtitia Romeiro Dias (LREM, Essonne) et Bénédicte Taurine (LFI, Ariège) ont déposé un rapport parlementaire d’information sur les menstruations, une première dans l’hémicycle. Une décision qui en a surpris plus d’un, bien que pour les deux jeunes femmes, il est temps d’en parler. “On ne parle pas facilement des règles en société. C’est notre rôle en tant qu’élues de mettre en lumière les questions qui nous semblent devoir être portées” , défend la députée Bénédicte Taurine.

Le rapport, que les deux députées ont remis à la délégation aux droits des femmes au Palais Bourbon, alerte sur les questions sanitaires, économiques et sociales. Un travail qui résulte de plusieurs mois d’auditions et de déplacements qui ont permis de soulever des manquements. Accablant quand on sait que les règles touchent simplement la moitié de la population et ce, à hauteur de 450 fois dans toutes leurs vies. 

Sujet de moquerie, de honte et de discrimination pour les femmes de toutes âges et du monde entier, les menstruations ont une histoire qui fait rougir. C’est biologique et on n’y peut rien. Alors pourquoi continuer d’en faire un sujet tabou ?

Impure

C’est au Moyen-Âge que la vision des règles a commencé à s’imposer de manière sexiste et impure. Alors qu’auparavant on utilisait des morceaux de textiles enroulés autour d’un bâtonnet de bois pour se protéger, à partir du Moyen-Âge on a décidé qu’il était tabou de s’insérer un objet dans le vagin. Ainsi les inégalités sociales ont commencé à apparaître. Les femmes les plus riches pouvaient s’acheter des “jupons” pour se protéger mais pour les moins aisées, il fallait laisser couler le sang sur ses jambes et se laver le soir.

Le XIXe siècle et l’industrialisation ont permis de faire évoluer les techniques de protection. L’invention de la machine à filer le coton fut une réelle évolution pour les femmes. Les serviettes lavables ont fait leur apparition et ont permis de rendre accessibles les protections pour toutes les femmes. Cependant, elles étaient bien moins discrètes que celles qu’on utilise aujourd’hui. Elles prenaient la forme d’une seconde culotte épaisse, que l’on attachait grâce à des sangles autour de la taille.

Au XXe siècle, le début de l’émancipation des femmes a accompagné l’apparition des premiers tampons et serviettes hygiéniques jetables. Elles apparaissent en 1963 dans les rayons des supermarchés. Mais une chose persiste toujours : vous avez un utérus alors vous payez. Encore aujourd’hui, les protections hygiéniques restent payantes et représentent un budget colossal. Dans sa vie, une femme utilise en moyenne 2 000 serviettes hygiéniques, soit 2 000 euros de budget.

Des injonctions religieuses

En plus de n’être pas pratique, de vous coûter cher, de vous filer la nausée et de vous faire mal aux seins, si vous avez vos règles alors vous resterez une femme sale. Du fait des injonctions religieuses, au Moyen-Âge, celle que l’on appelait la “femme indisposée” était vue comme impure et dégoûtante. Les menstruations étaient une manière pour elles d’évacuer pêchés et impuretés. Des croyances qui se sont perpétuées dans le temps et qui continuent d’être présentes dans l’univers commun.

En France, le temps a fait naître des croyances populaires aussi loufoques qu’invraisemblables. On octroyait aux femmes des pouvoirs de “sorcières”, capable de faire fuir les parasites ou de faire pourrir de la viande d’une seule goutte de sang.

Vers une révolution des règles ?

Bien que les langues se délient autour du sujet, on est bien loin d’une totale ouverture. Néanmoins, certaines évolutions sont à noter. La première n’est autre que la représentation du sang de couleur rouge dans les publicités pour protections hygiéniques. Puisqu’avant (c’est bien connu) le sang qui coulait entre nos jambes était bleu ciel. Parfaite affirmation à ceux qui trouve “dégoûtant” le sang des règles car “ce n’est pas le même sang que celui qui coule dans nos veines, celui-là est impur et sort de notre utérus”, voyons.

C’est la marque Nana, fabricant de serviettes hygiéniques, qui est la première à en donner une vraie image dans son spot publicitaire “Vive la Vulve”. En plus de montrer des tâches de sang, elle met également en avant le sexe féminin. Mais tout reste à faire puisque après diffusion de la publicité, téléspectateurs et internautes se sont sentis agressés par cette vision rouge et tenter de stopper la diffusion de celle-ci.

Même si le sang est de plus en plus représenté, dans les séries, dans les films, les livres… les mœurs ont bien du mal à s’ouvrir sur le sujet. Un tabou qui continue d’alimenter les inégalités sociales et qui bloque la libération de la femme et de son corps.

Pourtant, une chose est sûre, si c’était du corps des hommes que ce sang coulait alors on trouverait ça si “viril” qu’on en redemanderait. Classique.

Marie LEBRUN