Un documentaire révélant l’étendue des actes pédophiles dans l’Église polonaise pourrait avoir des conséquences sur le scrutin européen. Proche du clergé, le gouvernement conservateur a adopté un texte en urgence.
Dans un pays où 40 % des habitants sont des catholiques pratiquants, le documentaire Seulement ne le dis à personne a provoqué une véritable onde de choc. Plus de 18 millions de vues ont été comptabilisées sur Youtube en seulement six jours. Levant le voile sur les affres de la pédophilie dans le clergé polonais, l’absence de sanctions est pointée du doigt par les frères réalisateurs Tomasz et Marek Sekielski. En partie en caméra cachée, on y voit les victimes de prêtres pédophiles se confronter à leurs bourreaux. Certains se confondent en excuses et proposent de l’argent à leurs victimes en échange de leur pardon.
À deux semaines des élections européennes, le parti conservateur Droit et justice (PiS), au pouvoir en Pologne depuis 2015, fait grise mine depuis la mise en ligne du film le 11 mai. Proche de l’institution cléricale, il pourrait payer cette proximité dans les urnes.
Un durcissement des peines pour pédophilie adopté en urgence
En effet, le PiS est au coude-à-coude dans les sondages avec la Coalition européenne de plusieurs partis d’opposition. « Cette affaire risque de faire pencher la balance du côté de l’opposition », souligne à l’AFP le politologue de l’Académie polonaise des sciences Stanislaw Mocek.
Le parti a rapidement pris la mesure de l’enjeu pour se désolidariser des crimes de l’Église. Le chef des conservateurs, Jaroslaw Kaczynski, a fait passer en urgence un texte devant le Parlement, qui durcit considérablement les peines pour pédophilie. Le projet de loi a été adopté jeudi par les députés par 263 voix « pour », 3 « contre » et 3 abstentions.
Des dispositions sont officiellement en discussion depuis des mois pour sanctionner les actes pédophiles. Ils pourront être sanctionnés par des peines de prison de 30 ans, voire des réclusions à vie pour les coupables les plus dangereux. La nouvelle législation supprime aussi la prescription pour les cas de pédophilie les plus graves.
Hypocrisie pour la députée Joanna Scheuring-Wielgus
L’Église a annoncé la visite de l’archevêque maltais Charles Scicluna, grand expert du Vatican sur les abus sexuels. Cela pourrait déboucher sur des démissions en série d’évêques polonais.
Une prise de conscience bien trop tardive, selon la députée de gauche Joanna Scheuring-Wielgus, qui voit dans la nouvelle législation du PiS un opportunisme certain. En dénonçant une « hypocrisie » des responsables politiques, elle interroge : « où étiez-vous quand les victimes frappaient à votre porte ? »