Médiapro : le fiasco en 5 actes

Attribution record puis désistement en cours de saison, les droits TV vivent une année mouvementée. Retour en cinq étapes sur l’histoire chaotique du diffuseur sino-espagnol Médiapro, qui a plongé le football français dans l’incertitude et la crise.

Si le feuilleton des droits TV semble clos suite à l’accord trouvé ce jeudi entre la Ligue professionnelle de football (LFP) et Canal +, le football français risque de porter longuement les stigmates de cette crise. Une crise qui semblait déjà, au départ de cette nouvelle aventure, inéluctable.

Acte I : Médiapro remporte les droits TV

Alors que la LFP est habituée à négocier avec le groupe Canal + pour les droits TV de la Ligue 1, un nouvel acteur prend part aux négociations. Il s’agit du groupe sino-espagnol Médiapro, déjà connu pour avoir essayé d’acheter les droits du championnat de football italien, sans succès.

C’est en France que le groupe audiovisuel et son patron Jaume Roures vont faire affaire, en officialisant le 29 mai 2018 l’achat des droits TV pour les saisons 2020 à 2024 pour 1,153 milliard d’euros. Face à ce montant record, Maxime Saada le président du directoire de Canal + alertait déjà sur une « somme déraisonnable impossible à rentabiliser« . Le plan proposé par Médiapro consiste à ouvrir une chaîne en France et à regrouper plus de 2 millions d’abonnés.

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Acte II : Accord trouvé avec TF1

En quête d’un partenaire de diffusion pour limiter ses frais, Médiapro parvient à un accord avec le groupe TF1 le 2 juin 2020 pour la création d’une chaîne commune : Téléfoot. Conscient de la difficulté à réunir plus de 2 millions d’abonnés, Jaume Roures souhaite profiter de la notoriété de la chaîne numéro 1 en France pour séduire davantage.

La chaîne s’organise et est lancée le 17 août 2020. Elle emploie au total plus d’une centaine de salariés, dont 60 journalistes issus pour la plupart de beIN Sports ou Canal +. Le tarif de l’abonnement est fixé à 25,90 euros par mois avec engagement d’un an, ou 29,90 euros mensuel sans engagement. Des tarifs jugés élevés par les amateurs de la Ligue 1 qui ne seront au final que 480 000 à s’abonner.

Acte III : Litiges avec la LFP

Les problèmes débutent dès le 5 octobre 2020 lorsque Médiapro refuse de payer sa première facture s’élevant à 172,3 millions d’euros. Jaume Roures souhaite renégocier le contrat. Il estime que la crise sanitaire a bouleversé le marché et impacté l’attractivité de l’élite du football français.

Les doutes sur la pérennité du modèle financier de Médiapro commencent à ressurgir. L’absence de garanties financières préalables à la signature du contrat est pointé du doigt par les différents acteurs de la sphère football. Le 5 décembre 2020, la LFP fait face à un nouveau refus de paiement, cette fois-ci pour 152,5 millions d’euros.

Acte IV : La fin de Téléfoot

Le 11 décembre 2020, l’annonce tombe. Médiapro annonce la fin prochaine de sa chaîne Téléfoot via un communiqué officiel. Dans la foulée, la LFP et le groupe audiovisuel trouve un accord. Téléfoot obtient le droit de poursuivre de diffuser les matchs de Ligue 1 jusqu’à la réattribution des droits. En échange, Médiapro doit payer 100 millions d’euros à la Ligue.

https://twitter.com/LFPfr/status/1341354240422404096

Acte V : Canal + à la rescousse

Alors que la peur de l’écran noir anime les débats, la LFP lance un appel d’offres pour redistribuer les droits TV de la saison en cours. Seuls Amazon, DAZN et Discovery formulent des offres, toutes en dessous du montant minimum fixé par la Ligue. C’est à ce moment que Canal + revient sur le devant de la scène. La chaîne cryptée récupère les droits TV pour la saison en cours, au bout du suspens.

Le groupe Canal + espère pouvoir rapidement préparer l’avenir, comme l’a confié Maxime Saada sur RTL ce vendredi : « Notre stratégie est de s’inscrire dans la durée. Nous allons essayer de trouver des solutions avec la LFP et les présidents. Il faut rapidement que la LFP organise un nouvel appel d’offres avec l’ensemble des lots distribués en 2018 (soit jusqu’à la saison 2023-2024) qui restent aujourd’hui vacants.« 

https://twitter.com/LFPfr/status/1357386463684358144

Grégory Genevrier