#MeToo, une déclinaison de hashtags devenus incontournables

Avec les dernières révélations à propos de l’inceste, des agressions dans la communauté gay ou encore à Sciences Po, #MeToo se poursuit. De ses origines à ses dernières déclinaisons, retour sur un mouvement devenu incontournable.

Dernier né des hastags #MeToo, #Scienceporcs bouscule le milieu des Instituts d’Études Politiques depuis début février. Créé en 2006 mais mondialement connu depuis 2017, le hastag #MeToo accompagne tous les mouvements relatifs aux violences sexuelles. Entre le francophone #BalanceTonPorc, puis le #MeTooInceste révelé par l’affaire Duhamel en passant par #MeTooGay, retour sur l’évolution du hastag qui libère la parole sur les réseaux sociaux.

#MeToo, le hashtag à l’origine de tout

Contrairement aux idées reçues, le #MeToo n’a pas émergé en 2016. Il a été créé en 2006 par Tarana Burke, une travailleuse sociale new yorkaise, lors d’une campagne de soutien aux victimes d’agressions sexuelles dans les quartiers défavorisés. Le nom « Me Too » a été donné comme marque de soutien et d’empathie aux victimes.

Avec l’ « affaire DSK » en 2011, le sujet des agressions sexuelles et des viols commencent à émerger dans la sphère publique. Mais c’est en octobre 2017, lors des révélations du New York Times et du New Yorker à propos de l’affaire Weinstein, que le #MeToo prend une ampleur mondiale.

L’actrice américaine Alyssa Milano avait invité à relayer ce hastag en soutien aux victimes. Soixante mille messages lui feront directement écho dans les cinq jours qui suivirent. La tendance ne se circonscrit pas à Hollywood, tous les milieux sont touchés. En un an, plus de 17,2 millions de tweet reprennent le hastag.

Des alternatives existent en fonction des pays, en Allemagne c’est le #keineKleinigkeit (« pas une broutille »), #YoTambien pour les hispanophones ou encore #BalanceTonPorc en France.

#BalanceTonPorc, la déclinaison française

En un an, #BalanceTonPorc a comptabilisé 930 000 tweets. C’est l’un des seuls à donner explicitement le nom des agresseurs, quitte à poser des problèmes de diffamation. L’initiatrice du hastag francophone a été condamnée en 2019 pour diffamation par Eric Brion, ex-patron de Equidia, qu’elle accusait de harcèlement.

Il plaidait avoir subi une descente aux enfers et une « mort sociale » après ces accusations. Le mot « porc » étant directement associé à Harvey Weinstein et « balance » étant synonyme de tollé social. Il raconte ce préjudice dans son livre « Balance ton père ».

#MeTooInceste, né avec l’affaire Duhamel

La publication de livre La Famillia grande, par Camille Kouchner, a lancé un nouveau hastag et une vague de témoignage à propos de l’inceste. Dans ce livre, elle accuse son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d’agressions sexuelles répétées à l’encontre de son frère jumeau.

Plusieurs de ses proches ont démissionné : l’ancienne ministre Élisabeth Guigou qui a renoncé à présider la Commission sur l’inceste ou encore Marc Guillaume, préfet d’Île-de-France, qui a quitté les fonctions qu’il occupait dans les établissements où il a travaillé avec Olivier Duhamel. Dernièrement, c’est Frédéric Mion, directeur de Science Po qui a démissionné de son poste. Les inspecteurs de la mission d’enquête ont révélé que l’ancien directeur avait menti aux enseignants et étudiants de l’institution mais aussi à la presse et aux inspecteurs du rapport à propos de sa connaissance de l’affaire Duhamel.

Le #MeTooInceste ne se cantonne pas à l’affaire Duhamel même si celle-ci a été le fer de lance du mouvement. Fin janvier, le comédien Richard Berry est accusé d’inceste par sa fille aînée. Depuis le 6 février, c’est Marc Pulvar, figure du syndicalisme martiniquais et père de la journaliste et femme politique Audrey Pulvar, qui est accusé de pédo-criminalité par des membres de sa famille. Au total, plus de 90 000 tweets ont été publiés avec le #MeTooInceste pour témoigner et dénoncer des agressions.

#MeTooGay, encore discret mais émergeant

Le hastag émerge également durant le mois de janvier. Le 21 janvier 2021, l’étudiant Guillaume T. a affirmé sur Twitter avoir été violé en octobre 2018 par Maxime Cochard, élu communiste au Conseil de Paris et son compagnon, lui aussi adhérent du parti. Les deux hommes démentent mais le Parti communiste leur a demandé de se mettre en retrait. L’affaire a pris une dimension tragique le 10 février, lorsque Guillaume T. est retrouvé mort dans sans chambre universitaire du campus de Paris-Nanterre.

Son témoignage a tout de même permis à libérer la parole dans la communauté gay. Plusieurs milliers de personnes ont relayé le hastag sur Twitter en partageant les agressions sexuelles dont ils ont été victimes.

#Scienceporcs, le hashtag qui secoue tous les IEP

Depuis fin janvier, plusieurs étudiants et anciens élèves de Science Po et des IEP révèlent des affaires d’agressions sexuelles et viols et dénoncent une culture du viol dans les évènements d’intégrations et fêtes étudiantes. Les administrations sont reprochées de leur immobilisme face à des affaires dont elles avaient connaissance, par peur de salir la réputation de ces grandes écoles.

Au-delà d’une libération de la parole, c’est surtout une prise de conscience et l’écoute des victimes qui s’opère. Une tribune a été signée dans Le Monde par 167 députés et sénateurs afin de rappeler que tout individu est présumé innocent tant qu’il n’a pas fait l’objet d’une condamnation par un tribunal. Ils mettent en gardent face à la « vindicte populaire » qui s’opère sur les réseaux sociaux à propos de ces affaires.

Marion Chevalet