La décision, jeudi 9 février, d’indemniser les pertes de rendement en cas de jaunisse de la betterave témoigne de la volonté de l’Etat de protéger les agriculteurs et l’ensemble de la filière, soumise à l’interdiction des néonicotinoïdes.
« Un filet de sécurité. » C’est ainsi que Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, qualifie la décision de l’Etat, jeudi 9 février, d’indemniser les producteurs de betteraves si des cas de jaunisse devait survenir en 2023. La veille, un millier d’agriculteurs avaient défilé à Paris pour s’opposer à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne annulant toute dérogation à la décision d’interdire les semences traitées aux néonicotinoïdes en 2018. Ces insecticides « tueurs d’abeille » sont mis en cause dans la chute drastique du nombre de colonies de ces butineurs.
Une dizaine de pays européens, parmi lesquels la France, avait bénéficié de dérogations. Le gouvernement prévoyait d’ailleurs de reconduire cette exception en 2023, pour la troisième année consécutive. Les néonicotinoïdes permettent de lutter efficacement contre les pucerons qui transmettent le virus de la jaunisse. Celui qui décime les plantations de betteraves. Les agriculteurs s’inquiètent donc de cette interdiction à l’approche du mois de mars, période à laquelle les semences de betteraves sont généralement mises en terre.
Une nouvelle crise redoutée
C’était d’ailleurs suite à une épidémie de jaunisse, en 2020, que la France avait réclamé des dérogations dans l’utilisation de ces pesticides. Celles-ci prévoyaient notamment d’enrober les semences de produits phytosanitaires, au lieu de les pulvériser sur les cultures.
Un tiers de la récolte française avait alors été détruite par le virus, atteignant ainsi le plus bas niveau depuis au moins dix ans selon le rapport du syndicat des betteraviers français (CGB). Une « crise inédite » comme l’avait qualifiée le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. La betterave est en effet essentielle à la production de sucre blanc, dont la France et la championne à l’échelle européenne. La filière concerne 45 000 emplois dont 24 000 agriculteurs, et pour 21 sucreries, toujours selon le syndicat.
Travailler avec la commission européenne
Les indemnités versées en 2020 avaient alors été très limitées par la règle européenne des « minimis », qui limite à 20 000 euros pour trois ans l’indemnisation que peut recevoir une exploitation. D’où la nécessité, cette fois-ci, de demander « l’activation d’une mesure de crise européenne » selon Marc Fesneau et de travailler « en lien avec la Commission européenne » pour la mise en place de ce dispositif.
Les betteraviers français sont engagés dans des contrats avec les grands industriels du sucre comme les françaises Tereos ou Cristal Union. Ce qui les protège, mais également les oblige, notamment en termes de volume de production. Ces entreprises se montrent d’ailleurs particulièrement encourageante vis-à-vis de la décision du ministre. Le groupe Tereos, deuxième sucrier mondial, a salué dans un communiqué « la réactivité du gouvernement et des services de l’Etat face à cette décision inattendue de la juridiction européenne ». Les représentants de la filière ont estimé que la pression virale de la jaunisse s’annonçait cette année « supérieure à 2021 et 2022, mais largement inférieure à 2020 », selon l’AFP.