Pourquoi des économistes souhaitent-ils annuler les dettes publiques détenues par la BCE ?

Des économistes prônent l'annulation des dettes publiques détenue par la BCE. Photo : Pixabay

La Banque centrale européenne (BCE) mène un programme d’achats d’urgence d’actifs depuis le début de la pandémie. L’EPJT revient sur les raisons poussant des économistes à vouloir annuler les dettes publiques détenues par la BCE.

Plus de 100 économistes lancent vendredi un appel à annuler les dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne (BCE) pour faciliter la reconstruction sociale et écologique après la pandémie de Covid-19. Dont Thomas Piketty (École d’économie de Paris), Jézabel Couppey-Soubeyran (Sorbonne), Olivier Passet (Xerfi) ou encore Aurore Lalucq.

Pour atténuer les conséquences de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, la Banque centrale européenne (BCE) a déployé des mesures déjà expérimentées après la crise financière de 2007-2008

Les rachats de titres de dette publique par la BCE ne financent pas directement les États de la zone euro mais facilitent leur financement, car ils rassurent les investisseurs. Les États dans ce contexte n’ont pas de mal à se financer, d’autant que les taux d’intérêt sont très bas.

Pas une  » option  » pour la BCE

L’institution chargée de la politique monétaire de la zone euro a ainsi décidé, le 10 décembre, de prolonger jusqu’en 2022 son recours au « bazooka monétaire » et d’augmenter de 500 milliards d’euros son programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic emergency purchase programme – PEPP) pour porter le montant total à 1 850 milliards d’euros.

Tandis que l’endettement public a très fortement augmenté pour protéger les ménages et les entreprises, « les citoyens découvrent, pour certains avec effarement, que près de 25% de la dette publique européenne est aujourd’hui détenue par leur banque centrale« , relèvent ces économistes dans une tribune destinée à neuf publications européennes, dont l’AFP a obtenu copie.

Pour la BCE, annuler les dettes des États, qui se négocie actuellement à des taux très bas, voire négatifs, n’est « pas une option« , car « les citoyens risqueraient de perdre confiance dans la monnaie« , avait déclaré en juin Fabio Panetta, membre italien de son directoire.

Ce serait contraire au traité européen, lequel proscrit le financement monétaire des déficits publics. « La banque centrale ne peut pas imprimer des billets pour financer des dépenses publiques, les dépenses d’aujourd’hui comme celles d’hier, accumulées dans la dette« , confirme Agnès Bénassy-Quéré, chef-économiste du Trésor depuis juin 2020.

Inquiétude face au possible retour de l’austérité

Les signataires estiment à l’opposé que l’institution basée à Francfort pourrait, en annulant ses créances « offrir aux États européens les moyens de leur reconstruction écologique, mais aussi de réparer la casse sociale, économique et culturelle« .

L’effacement des dettes publiques ou leur transformation en dettes perpétuelles sans intérêt se ferait en échange d’un engagement des États à « investir les mêmes montants dans la reconstruction écologique et sociale« . 

« Ces montants s’élèvent aujourd’hui, pour l’ensemble de l’Europe, à près de 2 500 milliards d’euros« , selon l’appel à paraître notamment dans Le Monde (France), El Pais (Espagne), La Libre Belgique, Der Freitag (Allemagne) et l’Avvenire (Italie).

Inquiets devant un possible retour de politiques d’austérité impliquant des réductions de dette publique comme celles menées de 2015 jusqu’au début de la crise du Covid-19, les universitaires appellent aussi à  « une nouvelle gouvernance européenne, notamment par le passage à la majorité qualifiée en matière fiscale« .

Alexis Gaucher avec l’AFP