Pourquoi si peu de violeurs sont-ils condamnés par la justice ?

Crédit photo : William Cho

Dans son livre « Je suis une sur deux », sorti le 4 mars 2020, la journaliste Giulia Foïs raconte le viol qu’elle a subi il y a 20 ans. Elle témoigne de la difficulté des victimes à être entendues et dénonce un système judiciaire qui condamne peu les coupables. Le sien a été acquitté, faute de preuves.

Giulia Foïs dénonce un « permis de violer », dans une interview donnée à Simone média. Elle rappelle que seul 1% des viols en France connaît une condamnation. Le statut des victimes est mal reconnu, puisque selon elle « Elles ont intérêt à en chier même des années après, elles ont intérêt à être sous médocs ». Sinon, elles paraissent aller « trop bien » et cela conduit à un acquittement.

Dans une autre vidéo pour Brut, elle explique « Je suis une mauvaise victime, parce que ça ne se voit pas sur moi ». Elle rajoute « quand on est victime, si vous voulez être reconnu comme telle, alors il faut payer un tribut ». Elle-même a voulu s’en sortir et aller de l’avant, ce qui a pu lui desservir dans l’idée qu’on se fait d’une victime.

Une enquête Ipsos menée à la demande de l’association mémoire traumatologique et victimologie met en évidence que les violeurs « bénéficient d’une immunité quasi systématique ». L’enquête montre les idées reçues et mythes sur le viol. L’attitude de la victime, le fait que le viol puisse être un malentendu ou que la personne violée puisse ressentir du plaisir sont encore des stéréotypes présents dans la société.

La culture du viol, encore très présente en France. Infographie de Mémoire traumatologique et victimologie

Parole contre parole

Lors de ces affaires, le manque de preuve empêche aussi les condamnations. Ainsi, Giulia Foïs, s’est lavée après son viol « j’ai effacé les preuves », dit-elle. Son attitude est celle de nombreuses victimes, qui, doivent ensuite témoigner parole contre parole. La vie des violeurs et des victimes est passée au peigne fin et les violeurs sont alors acquittés faute de preuves.

Les affaires de viol ont aussi tendance à être jugées dans des tribunaux correctionnels plutôt que dans des cours d’assises, conduisant ainsi à la dépénalisation du viol. Dans ce cas, ils sont requalifiés en « agression sexuelle », ce qui minimise la violence de ce qui a été vécu.

Des condamnations encore trop rares

Le plus souvent, les affaires de viols ne sont pas portées devant la justice, car les victimes ne sont pas entendues, 74 % des plaintes sont d’ailleurs classées sans suite. Les Français surestiment le nombre de plaintes, ils sont 69 % à penser que plus d’un quart des victimes portent plainte pour viols, alors qu’elles sont moins de 10 % à le faire effectivement.

Le nombre de condamnations pour viols est aussi fortement surestimé, 90 % des personnes interrogées pensent que les condamnations pour viols ont augmenté depuis 10 ans, alors qu’elles ont diminué de 40 % en 10 ans.

Infographie de l’association mémoire traumatique et victimologie

Caroline Frühauf