Le premier ministre Édouard Philippe s’apprête à présenter sa réforme des institutions, contre laquelle une majeure partie de la droite se tient vent debout. Tour d’horizon des principaux désaccords.
C’est un bras de fer qui n’opposait jusqu’alors qu’Emmanuel Macron au président du Sénat, Gérard Larcher. Mais la réforme des institutions voulue par le président de la République, qui sera l’objet des multiples rencontres entre le premier ministre Edouard Philippe et les groupes parlementaires ces deux prochaines semaines, a progressivement incité d’autres voix de la droite à s’élever.
Nicolas Sarkozy, en retrait de la vie politique depuis sa défaite à la primaire, sera invité à s’exprimer mardi dans la chambre haute sur cette réforme. L’ex-chef d’État, qui avait lui-même lancé une révision constitutionnelle en 2008, tentera de juguler les réticences des sénateurs. En attendant les retours de cette audition, voici un récapitulatif des principaux points de friction :
- Le non cumul des mandats dans le temps
C’est l’une des mesures phares proposées par Emmanuel Macron. Le président de la République souhaite ainsi limiter à trois le nombre de mandats identiques successifs, à l’exception des maires de communes de moins de 3.500 habitants. En outre, les anciens présidents de la République ne seraient plus membre du droit du Conseil constitutionnel à partir de 2022.
Un point auquel s’oppose le président du Sénat, arguant qu’un tel article constituerait une entrave à la liberté de choix des citoyens. « Je souhaite qu’on débatte de cet article. Est-ce qu’après trois mandats parlementaires on est un incapable, au sens juridique, d’être élu », s’interroge Gérard Larcher dans un entretien au Figaro, utilisant pour appui l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen, qui stipule : « les citoyens sont libres de choisir leurs représentants ».
Pour faire aboutir cette réforme, le président de la République dit envisager le recours au référendum, ainsi qu’à l’article 11 de la Constitution, en cas de blocage par la chambre haute. « Sur la réforme constitutionnelle, le Sénat et moi n’avons aucune volonté de bloquer la réforme par conservatisme, je le redis une bonne fois pour toutes », a tranché Gérard Larcher, ajoutant que cette mesure ne concernerait de toute façon aujourd’hui que « 12 sénateurs sur 348 ».
- La réduction du nombre de parlementaires
Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron de réduire d’un tiers le nombre de parlementaires a été revue à la baisse. Début janvier, le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy (LREM), a proposé un abaissement à 30%, qui équivaudrait à une Assemblée nationale composée de 403 députés (contre 577 aujourd’hui) et à un Sénat composé de 244 sénateurs (contre 438 actuellement).
« Il ne faut rien céder à la vague d’antiparlementarisme et à la montée des populismes qui abiment notre modèle républicain», avait martelé Gérard Larcher le 24 janvier à ce sujet. Le président du Sénat ne transigera sur cette mesure qu’à certaines conditions, comme celle d’un redécoupage électoral au niveau départemental et non régional. Pour parvenir à une représentativité satisfaisante des territoires ruraux, il estime qu’il faut « être très attentif à ce que les territoires les plus pauvres démographiquement ne soient pas pénalisés », craignant que cette réforme éloigne les élus de leurs électeurs.
- Reconnaissance de la spécificité Corse
Le gouvernement a récemment exprimé sa volonté d’inscrire la spécificité Corse dans la Constitution, modifiant ainsi l’article 72, lequel autorise davantage de différenciation territoriale. Une possibilité radicalement évacuée par Gérard Larcher. « Le Sénat est extrêmement attaché à la non-fragmentation de la République. La Constitution n’est pas une auberge espagnole », s’est-il emporté. Laurent Wauquiez, le président des Républicains, avait qualifié cette mesure de « ligne rouge » à ne pas franchir, décrétant que « la Corse est et restera française ». De son côté, Eric Ciotti, le député LR des Alpes-Maritime, s’était déclaré « totalement opposé à tous les principes qui remettraient en cause l’unicité de la République ».
- La suppression de la Cour de justice de la République
C’est l’exception qui confirme la règle. Cette proposition – également défendue par François Fillon lors de la campagne présidentielle – est la seule mesure faisant consensus. En mesure de juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction, la Cour de justice de la République est, depuis plusieurs années, remise en cause pour son impartialité. Emmanuel Macron, lors de la présentation de cette mesure, avait souligné qu’une protection continuerait d’être assurée aux ministres tout au long de leur exercice. Très vite, le président du Sénat avait affirmé « converger » sur cette décision.
Une rencontre entre Gérard Larcher et Edouard Philippe prévue mercredi sera l’occasion de revenir sur les désaccords suscités par ce projet de réforme. Et, peut être, de réajuster sa copie.
Margaux Deuley