Les dérives autoritaires du Président Nayib Bukele inquiètent. Depuis son irruption au Parlement salvadorien, le bras de fer entre l’exécutif et le législatif ne faiblit pas. Un comportement jugé dangereux, qui rappelle les heures sombres de la guerre civile.
Un premier rapport de force s’est installé entre le Président et le législatif, dès le 6 février, après le rejet d’une assemblée extraordinaire par le Congrès. Le 9 février, l’irruption du Président, entouré de militaires armés dans l’Assemblée nationale témoigne des tensions extrêmes qui prennent part au Salvador.
Crise institutionnelle
Le 6 février, Nayib Bukele avait annoncé que le Conseil des ministres allait convoquer une session extraordinaire à l’Assemblée législative. Le but ? Faire approuver une demande de prêt le plus vite possible, une manoeuvre autorisée par la constitution.
Le prêt d’un montant de 109 millions de dollars a pour finalité de lutter contre les « maras », des bandes criminelles qui s’affrontent pour le contrôle du trafic de drogue. Au Salvador, le taux d’homicides est très élevé : 50 pour 100 000 habitants en 2018, ce qui en fait l’un des pays les plus violents au monde. Une insécurité difficilement gérable pour les policiers et militaires, faute de moyens.
Cette demande de session extraordinaire a été rejetée par les membres du congrès. En plus, beaucoup avaient l’intention de ne pas se présenter si jamais elle avait lieu. Nayib Bukele avait rappelé que leur absence serait une atteinte à l’ordre constitutionnel, autorisant le peuple à l’insurrection.
Le Congrès est resté hostile au Président, qui, quant à lui, a été rejoint par les forces militaires et policières du Salvador. Fort de ce soutien, Nayib Bukele a dont fait irruption au Parlement, trois jour plus tard, accompagné de soldats munis de fusils d’assaut. Une situation sans précédent depuis la fin de la guerre civile en 1992.
Accusations de dérives autoritaires
Côté opposition, ce coup de force a été qualifié de geste dictatorial par les partis d’opposition : à droite, par l’Alliance républicaine nationaliste, à gauche par le Front de libération nationale. Une intervention également critiquée par de nombreuses ONG. José Miguel Vivanco, le Directeur de la division des Amériques de l’Observateur des Droits de l’Homme parle même d’un « attentat contre la démocratie ».
Le Président du Parlement, Mario Ponce a accusé l’exécutif de tentative de coup d’État, avant d’ajouter : « Nous ne pouvons pas répondre au pouvoir exécutif avec un pistolet sur la tempe. » La chambre constitutionnelle de la Cour suprême a également exigé du Président qu’il cesse ses dérives autoritaires. Le bras de fer entre Nayib Bukele et l’Assemblée nationale se poursuit. Le 27 février, le président salvadorien a utilisé son veto à propos d’une loi de « réconciliation nationale » qui avait été validée par les parlementaires.
Ces événements successifs rappellent une époque révolue en Amérique latine : celle où l’armée détruisait l’équilibre des pouvoirs. Enfin, Nayib Bukele bénéficie du soutien populaire, alors que les parlementaires sont soupçonnés de corruption. Cette bataille entre le législatif et l’exécutif promet d’animer les élections législatives, prévues le 28 février 2021.
Rachel Herman