Le couple Balkany : retour sur une saga politique à la française

Patrick Balkany jongle entre les affaires et les procès.

Le Parquet national financier a requis, ce jeudi 16 mai, quatre ans de prison contre le maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, et son épouse Isabelle, sa première adjointe, accusés de fraude fiscale et corruption. Retour sur une saga politique française qui défraie la chronique depuis 35 ans.

Les chefs d’accusation sont longs : « blanchiment de fraude fiscale aggravée », « corruption passive », « blanchiment de corruption »… Le procès qui s’est ouvert le 13 mai au tribunal correctionnel de Paris devrait durer pas moins de six semaines. Le maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany et son épouse Isabelle, adjointe au maire, sont accusés d’avoir dissimulé leur patrimoine, d’au moins 13 millions d’euros, notamment des villas aux Antilles et à Marrakech. Le Parquet national financier a requis, jeudi 16 mai, quatre ans de prison ferme à l’encontre du couple, dont deux avec sursis pour Isabelle Balkany, avec dix ans d’inéligibilité et dix ans d’interdiction d’administrer ou de gérer une société.

Ce n’est pas la première fois que le couple de riches héritiers a des démêlées avec la justice. Leurs malversations financières s’enchaînent, à l’image du goût pour le luxe de ces riches héritiers. Le co-fondateur du parti de Jacques Chirac, le RPR, est élu maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour la première fois en 1983. Quatre mois après, il s’exclame : « Je suis là pour trente ans, si je ne fais pas de bêtises ! » C’était sans compter le feuilleton politique qui s’ensuivra.

ACTE I : Les premiers déboires avec la justice

L’affaire de la Cogédim, du nom d’un promoteur immobilier, éclate en 1990 : les sous-traitants de plusieurs chantiers ont surfacturé certaines prestations. Le Canard enchaîné multiplie les révélations embarrassantes pour le couple Balkany. Ils auraient acheté à moitié-prix leur appartement de 500 m² à la Cogedim, tandis que le maire accordait 90 000 m² de droits à construire au groupe sur la ZAC Front-de-Seine. Le couple n’est pas condamné car le juge d’instruction a écarté la piste du financement politique illégal.

ACTE II : L’affaire des HLM des Hauts-de-Seine

Le nom des Balkany apparaît ensuite dans l’affaire du financement occulte du Rassemblement Pour la République (RPR), en 1994. Des chefs d’entreprise sont accusés de verser des pots-de-vin au parti en contrepartie de l’obtention de marchés auprès de l’office HLM des Hauts-de-Seine, dont le président n’est autre que Patrick Balkany. Il est mis en examen mais finalement relaxé à l’issue du procès qui se tient en 2005, fautes d’éléments probants. A contrario, le directeur de l’office HLM, Didier Schuller, est lui condamné à un an de prison ferme en appel. Il en gardera une dent féroce contre le maire de Levallois, tout juste réélu en 2002, estimant avoir « payé pour un système et quelques hommes : Jacques Chirac, Charles Pasqua et Patrick Balkany ».

ACTE III : Les faux « employés municipaux » rémunérés par la mairie

La première condamnation des Balkany tombe en 1996. Ils sont reconnus coupables d’avoir rémunéré trois personnes aux frais de la commune pour entretenir leur appartement et leurs résidences secondaires depuis dix ans. Les policiers n’ont aucun mal à démontrer que les tâches allouées aux « employés municipaux » ne sont autres que des missions ménagères sous le toit du couple. La justice les condamne à 15 mois de prison avec sursis et 200 000 francs d’amende, soit 30 500 euros, et deux ans d’inéligibilité.

Peu de temps après, en juin de la même année, Patrick Balkany est accusé d’agression sexuelle en juin 1996. Une plainte déposée par sa nouvelle concubine passe inaperçue. « J’ai été obligée de pratiquer une fellation, un 357 Magnum braqué sur moi ». Puis elle se rétracte. Aucune poursuite n’est engagée.

ACTE IV : Des financements occultes

Entre 2010 et 2014, il apparaît que les noms des donateurs du micro-parti de Patrick Balkany, Le Rassemblement pour Levallois (RPL), ne sont autres que des dirigeants de sociétés bénéficiaires de marchés publics de la ville, selon la cellule d’investigation de Radio France. Parmi eux, l’entreprise Sepur qui obtient un marché de nettoyage des rues de Levallois en 2014.

Des contrôles effectués à la mairie mettent également au jour un compte bancaire occulte. L’Institut municipal des sports aurait permis de faire transiter sept millions de francs en trois ans, un « détournement de fonds massifs, qui profitaient à des proches de Patrick Balkany nommés par lui à des postes clés », détaille la magistrate instruite à l’époque. Selon FranceInfo, des menaces ont été proférées à son encontre et elle a dû être placée sous contrôle judiciaire.

Deux enquêtes ont été ouvertes, dont l’un s’est soldée par un non-lieu. Il ne reste aucune trace de la seconde, menée sous l’égide du parquet de Nanterre.

ACTE V : La gestion truquée des comptes de la ville

En 2016, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France épingle la gestion de Levallois-Perret. Trois exercices budgétaires de la commune (2007, 2011, 2012) ont été présentés comme étant équilibrés alors qu’en réalité déficitaires. Un total d’opérations de 117 000 euros ont disparu des relevés de la ville. Fêtes, frais de communication, utilisation abusive des véhicules municipaux…la commune vit au-dessus de ses moyens et se hisse en tête du classement des villes les plus endettées de France.

ACTE VI : Dissimulation d’un patrimoine de 13 millions d’euros

Cette fois, le couple est accusé de fraude fiscale et de corruption passive entre 2007 et 2014. Les révélations sur la dissimulation d’un patrimoine de 13 millions d’euros proviennent de Didier Schuller, son ancien compagnon de route. Le Parquet national financier a requis, jeudi 16 mai, quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt à l’encontre de Patrick Balkany et quatre ans de prison dont deux avec sursis pour Isabelle Balkany, avec dix ans d’inéligibilité et dix ans d’interdiction d’administrer ou de gérer une société.

Difficile d’affirmer avec aplomb qu’il s’agit du dernier volet judiciaire pour les Balkany.