800 universitaires ont annoncé, mercredi 4 février, qu’ils démissionneraient de leurs fonctions administratives si le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) est adopté. Ils l’accusent de précariser le métier et de le rendre compétitif. La mobilisation va se poursuivre dans la rue jeudi 5 mars.
La mobilisation grandit contre le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ce jeudi 5 février, des manifestations sont annoncées partout en France, conjointement à des préavis de grèves déposés par les syndicats de l’enseignement et de la recherche. À ce jour, 111 universités, 268 laboratoires, 7 instituts universitaires de technologie et 145 revues scientifiques sont mobilisés. Plusieurs tribunes, publiées dans Libération et Le Monde, dénoncent le LPPR depuis plusieurs mois. La dernière en date, dans Le Monde du mercredi 4 mars, est signée de 800 universitaires. Ils s’alarment d’un projet de loi qui conduirait à « une dégradation accrue des conditions d’enseignement et de recherche, ainsi qu’à une amplification inacceptable de la précarisation ». Symbole fort, ils annoncent qu’ils démissionneront de leurs fonctions administratives si le projet de loi est adopté.
Compétitivité et précarité
Le contenu total de ce texte, qui comporte une vingtaine d’articles, n’est toujours pas connu et sera dévoilé au printemps en Conseil des ministres. Mais trois rapports commandés par le gouvernement, publiés en 2019, avait été largement désapprouvés par la profession.
Parmi les mesures contestées, celle autour du financement de la recherche qui développe une logique d’appel à projet. Une mesure accusée de mettre à mal l’autonomie de la recherche : « cela limite la liberté du chercheur puisqu’il doit nécessairement se couler, se glisser dans des priorités de recherches, qu’il n’a pas lui-même définies » explique sur France Inter Tatiana Sachs, maître de conférence en droit à l’université Paris-Nanterre.
Une disposition également dénoncée par les 800 chercheurs signataires de la tribune du Monde qui s’alarme de « la mise en concurrence généralisée des établissements ». Ils qualifient l’esprit de cette disposition de « darwinisme », qui aurait pour conséquence d’être « contre-productif » pour la recherche et d’augmenter « les risques de fraude ou de dérive éthique ».
Autre crainte, « la remise en cause du statut d’enseignant-chercheur ». Le LPPR propose de créer des contrats sur plusieurs années, limités dans le temps, pour être adapté au temps d’une mission. Une proposition vue comme une attaque du statut de fonctionnaire, et dénoncée dans la tribune du Monde du 4 février : cela « précariserait encore davantage les personnels, pour qui la perspective d’obtenir un poste de titulaire s’amenuise dramatiquement ».
Une mobilisation rare
Face à ces protestations, « l’absence d’écoute » du ministère de l’Enseignement supérieur est dénoncée. Le ministère de Frédérique Vidal maintient son ambition de « revaloriser les carrières des jeunes chercheurs » et « d’augmenter le niveau de la recherche en France », en investissant 3 % du PIB dans la recherche. Une mesure et des discours initialement applaudis par la profession, mais les moyens pour la mettre en œuvre ont finalement indigné.
À la contestation de la loi s’ajoute des revendications. Les universitaires et laboratoires mobilisés réclament la titularisation des 130 000 précaires et vacataires, et la création de poste. Symbole fort de cette opposition, la mobilisation massive prévue ce jeudi n’avait pas eu d’équivalent depuis celle contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2009.
Solène Gardré