Soupçon d’empoisonnement pour un ex-espion russe au service de Sa Majesté

Serguei Skripal aurait été empoisonné, selon plusieurs médias britanniques. Capture d'écran Youtube.

Un ancien espion russe qui travaillait pour les services d’espionnage anglais a été exposé à une substance toxique non identifiée. L’homme, arrêté en Russie, avait été libéré en 2010. Il se trouve actuellement dans un état critique.

Un scénario et une intrigue dignes d’une aventure de James Bond. Un ancien espion russe, qui œuvrait pour les services de renseignement anglais, a été hospitalisé dimanche 4 mars après avoir été probablement exposé à une substance toxique non-identifiée. Pris en charge à l’hôpital de Salisbury, à 140 km au sud-ouest de Londres, l’homme, âgé d’une soixantaine d’années, se trouve actuellement dans un état critique.

Dimanche, aux alentours de 16h15, les services de police de Wiltshire ont reçu un appel d’urgence. Serguei Skripal, âgé de 66 ans, et sa fille Youlia, âgée elle d’une trentaine d’années, sont retrouvés inconscients sur un banc dans un centre commercial de Salisbury. La zone où ils ont été retrouvés est toujours interdite d’accès. A titre de précautions, un restaurant italien de la chaîne Zizzi a été fermé « en lien » avec l’affaire, a précisé la police locale. Plusieurs membres des services de secours qui ont été en contact avec les victimes ont été examinés mais la police a souligné qu’il n’y avait aucun danger pour la population.

 

« Les deux individus, dont nous pensons qu’ils se connaissent, n’avait aucune lésion visible », a précisé la police du comté de Wiltshire, qui reste prudente. « Nous en sommes au tout premier stade de l’enquête, nous ne sommes pas en mesure de déterminer si un crime a eu lieu ou non », précise Craig Holden, le chef de la police, indiquant que les faits étaient pris « très au sérieux ».

« Substance inconnue »

Accusé d’espionnage au profit du Royaume-Uni, Serguei Skripal avait été condamné à 13 ans de prison en Russie en 2006. Il avait été payé 100 000 dollars pour fournir au MI6, le renseignement britannique, les noms des agents russes présents en Europe, selon la BBC.

Avec trois autres agents russes, il avait fait l’objet d’un échange en 2010 contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington, dont Anna Chapman, une jeune femme d’affaires russe surnommée la « nouvelle Mata Hari » à New York.

Les témoignages rappellent des scènes de la Guerre froide. « On aurait dit que la femme était morte, ses jambes étaient très raides, décrit un jeune homme. Quand elle était au sol, ses yeux étaient complètement blancs, grand ouvert. L’homme aussi s’était raidi, ses bras ont arrêté de bouger, il était droit. » 

Hospitalisés, « l’homme et la femme sont traités pour une exposition présumée à une substance inconnue », consent toutefois la police du comté de Wiltshire.

« La marque d’une attaque russe »

Si aucune implication de la Russie n’est évoquée à ce stade par les autorités britanniques, Tom Tugendhat, président de la commission des affaires étrangères du Parlement n’a pas hésité à relever que l’affaire « porte sans aucun doute la marque d’une attaque russe ».  

Cette affaire a en effet fait immédiatement resurgir le souvenir de celle de Litvinenko, du nom d’un ex-agent du FSB (services secrets russes) et opposant à Vladimir Poutine. Il faut dire que les similarités sont grandes : Alexandre Litvinenko avait été empoisonné en 2006 après avoir fui la Russie pour Londres avec sa famille en octobre 2000. Il y avait rejoint le milliardaire Boris Berezovski, farouche ennemi de Vladimir Poutine, lui-même décédé dans des circonstances non élucidées en mars 2013.

« Cela ressemble à ce qui est arrivé à mon mari mais nous devons attendre plus d’informations », a d’ailleurs confié la veuve d’Alexander Litvinenko au Daily Telegraph. Pour elle, si l’empoisonnement russe est prouvé, cela montrera que « rien n’a changé depuis la mort » de son mari.

Selon le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, Tom Tugendhat, cet empoisonnement présumé porte toutes les caractéristiques d’une attaque russe même « s’il est trop tôt pour le dire ».

« Si l’enquête démontre la responsabilité d’un État, le gouvernement répondra de façon appropriée et ferme », a déclaré mardi devant le Parlement britannique le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. Visant la Russie, ce dernier a ajouté : « Je le dis aux gouvernements à travers le monde, aucune tentative de prendre une vie innocente sur le sol britannique ne restera impunie. »

Un porte parole de l’ambassade de Russie à Londres s’est dit impressionné par les déclarations de Boris Johnson. « Il parle comme si l’enquête était déjà terminée, comme si la Russie avait été jugée responsable de ce qui s’est passée. « On dirait que le scénario d’une nouvelle campagne anti-russe a déjà été écrit », a-t-il dit. A Moscou, un porte-parole du Kremlin a soutenu que la Russie était « disposée à coopérer » dans l’enquête, mais n’avait pas été sollicitée.

« Le premier soupçon qui vient à l’esprit, c’est qu’il s’agit d’un assassinat commandité par le Kremlin », a déclaré l’homme d’affaires britannique William Browder, à l’origine d’une loi américaine prévoyant des sanctions pour les Russes reconnus coupables de violations des droits de l’homme. « Parce que cet homme était considéré comme un traître à la Russie par le Kremlin et que Poutine a dit publiquement qu’ils assassinaient les traîtres ». 

Du côté russe, un porte-parole du Kremlin a affirmé n’avoir « aucune information ». Il a également indiqué que « personne n’a pour l’instant demandé » à Moscou de participer à l’enquête, tout en soulignant que la Russie « était toujours disposée à coopérer ».

Avec AFP