Dans son discours d’ouverture du Salon de l’agriculture, samedi 23 février, Emmanuel Macron à annoncé vouloir que la France soit le premier vignoble à renoncer au célèbre pesticide de synthèse. Une question qui divise les professionnels du secteur.
C’était une des promesses phares de son programme de campagne, Emmanuel Macron avait pris l’engagement d’une sortie du glyphosate sous trois ans. Après son élection, il revient sur ses promesses et évoque des dérogations. Lors de l’inauguration du Salon de l’agriculture ce samedi, il formule le vœu que le pays fasse de son vignoble « le premier vignoble sans glyphosate du monde ». Un projet qui diviserait par deux la consommation de ce pesticide de synthèse, à en croire la Confédération paysanne. Elle évalue que 50 % du pesticide de synthèse utilisé en France le serait dans le secteur viticole.
Ce désherbant « à large spectre », principe actif du Roundup de Monsanto, a été classé « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mars 2015. Un verdict controversé quelques mois plus tard par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) en 2017. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a indiqué lundi, qu’elle serait chargée de lancer prochainement une nouvelle étude ayant pour but de clarifier la question de la dangerosité de cet herbicide.
Cette annonce tombe quelques heures avant la signature par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, du « préambule » du contrat de Solutions : une démarche pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires de synthèse qui a réunit le syndicat majoritaire, la FNSEA et 42 partenaires, lundi soir au Salon de l’Agriculture. Les objectifs fixés portent sur une réduction de 25 % dès 2020 et de 50 % en 2025 de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. En ce qui concerne le glyphosate, la sortie devra être « aussi rapide que possible ». Pour ce faire, les partenaires s’engagent à approfondir les multiples leviers possibles : de l’amélioration des plantes à la robotique, en passant par la recherche sur les produits innovants de protection des plantes. Le ministre répond par ce contrat, basé sur le volontariat, au souhait des agriculteurs de garder la main sur les moyens à mettre en œuvre pour y arriver.
Avec cette signature, « c’est tout l’Etat qui reconnaît le bien fondé de cette méthode« , a commenté Eric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA, le premier syndicat agricole. Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, regrette pour sa part que « la solution qu’on nous présente, ce n’est pas la sortie des pesticides, c’est le contrat de solutions de la FNSEA avec tout un tas de mesures pour diminuer légèrement la courbe de consommation des pesticides« .
Une filière viticole enthousiaste mais…
« Nous pouvons aller très très vite pour sortir du glyphosate, d’autant plus vite que nous recevons des aides de l’Etat« , a déclaré Jean-Marie Barillère, président du comité national des interprofessions des vins AOP (CNIV) ce lundi. La question du délai n’est toutefois pas résolue. « Nous allons sortir du glyphosate, c’est sûr, c’est ce que demande la société, mais à quel terme, on ne sait pas exactement« , tempère Bernard Farges, un Bordelais, qui préside la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à AOC.
Jérôme Despey, président du conseil des vins de l’organisme public FranceAgriMer, estime que pour 20 à 30 % des 800.000 hectares de vignes que compte la France, des contraintes techniques sont à prévoir. «Nous avons des zones à forte pente où il est impossible de s’occuper du sol avec des machines, et où on est obligé d’utiliser des herbicides chimiques pour empêcher l’érosion des sols ». Il cite notamment les terrasses du Larzac ou les vignobles alsaciens.
Sortir de l’illusion de la solution globale
« Il n’y a pas de solution applicable sur l’ensemble du territoire mais des stratégies globales sont à développer en local. » C’est en tout cas la position de l’association interprofessionnelle LoireVinBio qui compte 180 adhérents et dont la mission est de structurer la filière viticole biologique du Val-de-Loire. Selon Sébastien David, son président, ce contrat de solutions est un « effet d’annonce » dans un contexte de hausse constante de l’utilisation de pesticides de synthèse en France.
Il précise que les impasses techniques, notamment en ce qui concerne le désherbage sont en effet en passe d’être résolues par le développement de machines agricoles de pointe. Sur les terrains particulièrement escarpés, l’entreprise toulousaine Naïo développe Ted et Bob, des robots désherbeurs adaptés au travail des vignes. Les tracteurs se dotent peu à peu de capteurs capables de sélectionner les espèces de plantes nocives se trouvant entre les ceps et favorisent ainsi un « couvercle végétal » propice à la protection des sols.
Sébastien David reconnaît cependant que l’investissement nécessaire pour acquérir cet outillage, parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros, est un frein pour les plus petites exploitations. Il met cependant en avant la nécessité de prendre en compte le « coût humain » dans le financement des aides destinées aux agriculteurs. L’association regrette ainsi que le coût des problèmes de santé publique lié à l’utilisation du glyphosate ne soit pas pris en compte dans le calcul du rapport bénéfice/risque du passage en tout biologique.
Pour les acteurs de la viticulture biologique, la seule solution pour sortir du glyphosate semble donc le recours à une législation contraignante et un accompagnement financier des acteurs à la hauteur des enjeux de la conversion.
Eloïse BAJOU
Pour aller plus loin:
Du glyphosate cancérigène dans nos verres sur France Info
Glyphosate : les vignerons français déjà en transition sur France 24