Alors que le Brexit doit avoir lieu le 29 mars, Theresa May repousse un nouveau vote des députés sur l’accord du Brexit. Entre clauses contestées, report du divorce et proposition d’un nouveau referendum, les Britanniques sont fatigués et s’inquiètent de l’image qu’ils renvoient.
Ce dimanche 24 février, Theresa May informait le public que le vote des députés sur l’accord du Brexit serait reporté « d’ici au 12 mars ». La Première ministre espère pouvoir faire passer un accord dont certaines clauses sont encore fortement discutées. Mais à trop attendre, le risque est d’atteindre la date butoir de sortie de l’Union européenne, fixée au 29 mars, sans aucun accord de sortie. Pour éviter ce possible « no-deal », Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne, et Michel Barnier, négociateur chargé de mener les négociations liées au Brexit, suggèrent le report du divorce entre l’Angleterre et l’Union Européenne. Jeremy Corbyn, chef de l’opposition, demande quant à lui un nouveau référendum. Au milieu de ce capharnaüm, les Britanniques s’inquiètent pour leurs institutions et leurs images.
Ce désarroi, Guillaume Serrano, étudiant français parti à Londres le temps d’un semestre, le constate tous les jours : « Souvent, quand j’en parle avec des Britanniques, ils me posent la question : ‘Qu’est ce que vous en pensez depuis la France, vous ?’ » Depuis le mois de janvier, le jeune homme de 22 ans étudie à l’ESCP, une école de management basée à Londres. Au fil des discussions avec les Anglais, il a perçu « un tabou » autour du Brexit. Selon lui, les Britanniques sont divisés et les conversations sur le sujet sont sources de tensions.
Entre tabou et lassitude
Pour autant, Josh Cole, étudiant gallois à l’université de Hull, et ses amis partagent librement leurs points de vue sans retenue. Tous souhaitent rester dans l’Union européenne. Cependant, il avoue éviter de mentionner le sujet dès lors qu’il n’est pas avec un proche. A l’inverse, Internet devient un moyen de s’exprimer sans aucun filtre. Particulièrement les réseaux sociaux qui deviennent le lieu de conflits parfois violents entre les pro-Europe et les pro-Brexit. Nick Colk, étudiant dans la même université, ne considère pas qu’il existe un tabou mais plutôt un sentiment de fatigue, une lassitude. « Finalement, il y a consensus. Nous voulons juste que ce soit classé », constate-t-il.
Même l’annonce d’un nouveau référendum ne réjouit pas les deux étudiants. Josh Cole se retrouve partagé entre désir et rationalité : « Même si je préfère que nous restions dans l’Union européenne, cette nouvelle consultation serait une attaque à notre démocratie.» En effet, un nouveau référendum pourrait ouvrir la voie à une utilisation abusive de ce moyen décrédibilisant l’intervention du peuple dans les décisions politiques.
Après des mois à tourner en rond, les Britanniques n’en peuvent plus. «Cette distraction occulte les vrais problèmes que rencontrent le pays et le reste du monde », s’énerve Nick Colk. Ils sont nombreux à observer, impuissants, le ridicule de cette situation. « J’ai honte de mon pays », lâche finalement Josh Cole.
Isabelle Hautefeuille