Dans les bars de Bangui, les femmes contestent le manque d’hygiène des toilettes

Toilettes d’un bar au jardin public de Bangui (vue d’ensemble). Photo : Grace Ngbaleo

A Bangui, la chaleur incite à consommer des boissons rafraîchissantes… souvent dans les débits de boissons. Mais après avoir consommé, il faut parfois accéder aux toilettes, particulièrement vétustes, insalubres et inadaptées pour les femmes, au point de représenter un risque pour leur santé.

Par Grace Ngbaleo

Est-ce que les bars de Bangui sont vraiment faits pour les femmes ? A première vue, la réponse est non. Ne serait-ce que par rapport à leur conception. Ceux qui les ont construit n’ont pas pris en compte les besoins des femmes. Ils se sont peut-être inspirés de la conception africaine selon laquelle, la place de la femme est au foyer mais pas dans les endroits publics, a fortiori dans les bars.
La majorité des bars que nous avons sillonnés ne disposent ainsi pas de toilettes adaptées. On n’y trouve que des latrines construites en générale à l’aide des vieux sacs de farine, de pagnes déchirés, parfois ces latrines sont closes de tôles de récupération. Il se pose également un véritable problème d’entretien.

Toilettes d’un bar au jardin public de Bangui (vue de l’intérieur). Photo de Evy Biramocko

Selon notre constat dans les bars du quartier Pétévo dans le 6ème arrondissement de Bangui, à l’exemple du Paysannat, en passant par les établissements du Sica 1 dans le 1er arrondissement, comme Snack Bar et Tiringul, jusqu’au quartier Benz-vi dans le 5ème arrondissement… partout l’entretien pose également un véritable problème. L’intérieur de ces latrines laisse répandre de l’eau voire de l’urine un peu partout. Même des matières fécales sont déposées à même le sol y compris des mouchoirs utilisés. Cet état de chose fait que les femmes qui fréquentent ces lieux sont obligées de se priver quand le besoin de se soulager se fait sentir ou elles sont contraintes de se soulager aux alentours de ces toilettes.

Natacha Zinga, fréquente souvent ces lieux. Elle nous a confié que c’est un droit pour une femme de fréquenter un bar, mais ce manque d’hygiène peut être une manière d’interdire aux femmes de fréquenter ce type de lieu. Et de citer les environs du Stade Barthélémy Boganda ou du jardin du cinquantenaire. L’état des toilettes y laisse à désirer. « Il faut se couvrir le nez. Nous sommes obligées de fois de nous priver quand nous voulons nous soulager, car la femme ne sait dans quelle position se tenir », renchérit Natacha.

Une menace pour la santé

Contrairement à la règle d’hygiène qui exige l’utilisation de l’eau et du savon, ces toilettes manquent d’eau et de détergents. On peut aussi noter que les toilettes de ces débits de boissons ne sont pas nettoyées, ni désinfectées, dégageant des odeurs nauséabondes. Même là où les gens prennent les boissons, ils perçoivent ces odeurs.

Les propriétaires des buvettes ont aussi leurs raisons : « Nous attirons souvent l’attention de la clientèle sur le bon usage des toilettes. Mais en vain », confie Princia Zouade, propriétaire du bar Snack Confort. Eric Mbaldé, serveur, lui, affirme que les toilettes de son bar sont mixtes et cela ne pose pas de grave problème. Mais ce sont les clients qui en font un mauvais usage : « C’est à la mairie de veiller sur ces choses », a-t-il ajouté.

Contacté, le chef de Service d’hygiène de la mairie de Bangui, Ferdinand Kada, a reconnu que la mairie a cette responsabilité de surveiller les installations sanitaires dans les débits de boissons. Elle le fait souvent à l’intervalle de trois ou quatre mois par la sensibilisation, l’avertissement voire la sanction. Toutefois, elle est limitée du point de vue de l’effectif de son personnel.

En attendant, la fréquentation des toilettes non hygiéniques impacte sur la santé de la population. C’est un moyen de contamination. Et le risque est très élevé chez les femmes. « Des cas d’infections microbiennes comme le staphylocoque sont très fréquents », mentionne Firmin Mbedan, médecin à l’Hôpital communautaire de Bangui. Pour que les femmes se sentent à l’aise dans les débits de boisson sans courir de risque de santé, il faut relever ce défi d’entretien conformément à la loi numéro 03.04 de 2003 portant code d’hygiène en RCA.